Nouveaux espaces de travail
Aujourd’hui, près de 20% des français travaillent en open space, comme c’est souvent le cas dans nos agences d’architecture. Le contexte actuel nous pousse à repenser notre manière de travailler, d’utiliser les espaces de bureaux, de nous déplacer.
Mais la distanciation recommandée n’est souvent pas compatible avec les environnements de travail, comme l’open space, conçus pour favoriser la communication et les échanges. Dès lors, nous devons adapter nos lieux de travail. La souplesse conférée par l’open space est peut-être la clé d’un réaménagement efficient.
Les premières formes de bureaux ouverts apparaissent dès le début du XXe siècle, aux Etats-Unis, avec l’exemple du Larkin Administration Building, conçu à Buffalo par l’architecte Franck Lloyd Wright en 1904. Son atrium immense, l’éviction des cloisons, permettent de faire rentrer la lumière à l’intérieur du bâtiment et d’aligner plusieurs dizaines d’employés dans un même espace.
Dans les années 50, les frères Schnelle imaginent le concept de « bureau paysage » : des espaces généreux, très végétalisés, favorisant le bien-être. Mais la tertiarisation croissante et l’avènement de la société de services dans les années qui suivent feront le succès rapide de cette nouvelle organisation des espaces dans les pays anglo-saxons, la dépouillant au passage de ses aspects les plus bucoliques et, sur le modèle taylorien, standardisant et uniformisant les plateaux ouverts. Ces derniers arrivent en France avec deux décennies de retard, à l’heure où l’on commence à construire les premières tours et bâtiments épais.
L’open space traduit à la base une volonté de favoriser la communication et la transparence, d’aplanir une hiérarchie trop pyramidale et de lisser le management pour mettre tout le monde au même niveau. Néanmoins, le seul bureau fermé étant celui de la direction, il en devient par là même un symbole contradictoire. Longtemps plébiscité, l’open space sera vivement critiqué par la suite : bruyant, stressant, les travailleurs se sentent contrôlés, manquent d’intimité et finissent par devoir s’isoler dans d’autres espaces.
Faudrait-il revenir alors aux cubicules des bureaux américains ? Il semblerait que les parois de plexiglas que l’on voit se dresser à la hâte entre les postes de travail nous y ramènent tout droit, la transparence en plus, l’acoustique en moins.
Le développement du télétravail a certes changé la donne, et il reste encore à ce jour encouragé par le ministère du travail, mais il a souvent été mis en place dans la précipitation et l’on court toujours le risque de laisser cet open space entrer dans le domicile et envahir la sphère personnelle. L’architecture est un métier de partage et d’échange. La conception et la construction sollicitent le concours de nombreux corps de métiers, la collaboration doit être étroite pour garantir un projet cohérent. Les visioconférences sur Zoom ne seront jamais aussi productive qu’une discussion autour d’un plan, le télétravail tant plébiscité n’est peut-être pas la solution à tout.
La nouvelle vague d’espaces de travail, impulsée par la floraison des co-workings, mêle décloisonnement et lieux d’intimité. La tendance actuelle est au « dynamic office », privilégiant la division des espaces (bruyants/calmes), la multiplication des échelles – du bureau individuel, à l’alcôve en face à face, jusqu’à la salle de réunion plus conventionnelle, en passant par les « bulles » pouvant accueillir 4 ou 5 personnes – et la création d’espaces intermédiaires, plus libres et créatifs, dédiés au repos, à la lecture, à la conférence. C’est ce que nous tendons à mettre en place dans nos locaux. Il s’agit ici de penser le bureau comme un lieu de vie, de favoriser les espaces confortables et de laisser les salariés s’approprier une partie des lieux.
A la manière d’un volume capable, l’open space doit être réaménagé, divisé, inspiré par les besoins réels des équipes. Le modulaire leur apporte une flexibilité nécessaire. Le « bureau paysage » du siècle passé, plus aéré, plus végétalisé, pourrait apporter quant à lui un bien-être salutaire.
Il tient à nous, architectes, d’inventer ce nouveau bureau qui saura respecter la place de chacun pour favoriser la créativité de tous.