Un AIR de famille
Parce que nous avons toujours travaillé en duo, en harmonie, et toujours avec de la musique dans les oreilles, parce que la musique de ce groupe a rythmé, un peu inconsciemment, la vie de notre agence d’architecture, nous avions à cœur de les rencontrer. Conversation avec Jean-Benoît Dunckel du groupe AIR.
En 2002, nous fondons l’agence AIR architectes, dans un garage de la banlieue bordelaise, en partie en référence au groupe de musique électronique AIR. Quelques années plus tard, nous prolongeons la filiation et leur empruntons le titre d’un album, Moon Safari…
Quel est votre sentiment en sachant que votre musique inspire et peut nourrir d’autres formes d’art, de création ?
Je suis partagé. J’évite en général d’avoir toute réflexion ou tout sentiment sur le regard que porte le public sur mes oeuvres pour éviter de patauger dans une éventuelle adoration de moi-même. Je préfère dépenser de l’énergie dans l’adoration des autres artistes.
Je vis AIR et ma production personnelle de l’intérieur. Lorsque l’oeuvre est bouclée, elle ne m’appartient plus. Les musiques trouvent leur propre chemin. Heureusement.
Que d’autres artistes soient inspirés par AIR c’est inévitablement flatteur. Comme nous l’avons été par d’autres artistes. On forme ainsi une chaîne sans fin dans l’histoire de l’art. D’adorateurs adorés.
Vous créez en duo, tout comme nous : comment la forme du duo vous aide-t-elle dans le processus créatif ? Comment vivez-vous cette dualité ?
Le duo permet à chacun de ses membres de se remettre en question quand ils en sont incapables individuellement. Le duo favorise le travail. Alors ainsi l’oeuvre est plus originale. Tout seul on va plus vite. À deux on va plus loin.
Vos études d’architecture ont-elles influencé votre production artistique ? Nous pensons notamment à la pochette de votre album « 10 000 Hz Legend » ou encore au titre « Modulor ».
Je laisserai plutôt cette question à mon binôme, Nicolas Godin, qui a fait une école d’architecture. J’ai pour ma part fait des études scientifiques, de maths et de physique.
Néanmoins, j’ai toujours été intéressé par la compréhension du fonctionnement de la nature.
Je pense que l’architecture et la musique sont très liées : dans les proportions ; l’harmonie entre le plein et le vide ; la forme et le fond ; la texture du son et l’émotion dans l’écriture musicale ; la hauteur, la largeur, le volume ; l’ambitus, la richesse spectrale ; les basses, les fondations…
Bref on peut faire des parallèles sans fin. Mais surtout ce que j’ai appris, c’est à faire des maquettes rapides pour aller vite au début d’un concept, d’un morceau. Cela permet de ne pas perdre le fil de l’émotion spontanée.
Avez-vous un regard sur la production architecturale actuelle ?
Non, pas vraiment, je vois des bâtiments pousser de la terre et cela me plaît. Vous semblez inspirés par Le Corbusier. Le bâtiment le plus formidable qui aurait pu être construit est celui imaginé par Yves Klein, fait des quatre éléments : air, eau, feu, terre. Un bâtiment poétique, dans lequel il serait impossible de vivre. On pourrait s’y brûler ou s’y noyer, avoir très froid et ne pas pouvoir y dormir.